Introduction
L’instabilité de l’épaule est une pathologie bien connue et relativement fréquente chez le sportif. L’incidence dans la population générale, en tenant compte uniquement d’un premier épisode de luxation réduite aux urgences, est de 23.1/100 000 personnes/an. L’âge moyen est de 35 ans et il existe une prédominance masculine de 74.3 % [1]. Chez le patient sportif, notamment lors de la pratique d’un sport de contact comme le football américain, l’incidence peut atteindre 40/100 000 [2]. Une récente étude de la Fédération Française de Rugby retrouve jusqu’à 100/100 000 épisodes d’instabilité par saison chez les rugbymen [3].
Alors que la luxation est habituellement considérée comme le point de départ de l’instabilité, il y a d’autres symptômes chez le sportif qui doivent la faire évoquer : la douleur, la subluxation, l’appréhension, la conduite d’évitement, les techniques ou toute autre stratégie d’adaptation [4, 5]. Le taux de récidive est très élevé ; en tenant compte uniquement de la luxation il peut atteindre, dans certaines séries, jusqu’à 60 à 80 % à 2 ou 5 ans de recul [6].
Les facteurs de risque de récidive sont bien identifiés : le sexe masculin, le jeu- ne âge, les sports de contact, les lésions osseuses de la glène, le sport en com- pétition [6, 7, 8, 9].
L’objectif principal de ce travail a été de faire une mise au point sur le diagnostic de l’instabilité chez le sportif en incluant non seulement la luxation comme critère de récidive mais également les modifications de la pratique sportive. L’objectif secondaire était de proposer des critères de reprise du sport après traitement de l’instabilité.
Diagnostic de l’instabilité de l’épaule chez le patient sportif
Pour faire un diagnostic d’instabilité, il faut intégrer les éléments de l’interrogatoire, de l’examen physique et de l’imagerie.
Interrogatoire
La connaissance du geste sportif est nécessaire pour comprendre et rechercher des symptômes en rapport avec une instabilité.
En effet, dans la vie quotidienne, l’instabilité est souvent peu ressentie par le patient sportif. Il faut donc rechercher une pratique sportive à risque, soit d’après le type de sport, soit d’après le niveau de pratique. Chaque sport demande une compétence spécifique de l’épaule.
On classe les activités selon le risque d’engendrer une luxation de l’épaule [11, 17]. Pour cela, on tient compte des contraintes mécaniques potentielles de la gestuelle sportive : du geste de coup- de-poing “uppercut” du boxeur ou la traction en antépulsion au ski nautique, au geste de chute sur l’épaule au judo ou de plaquage au rugby, ou encore de portée en rotation externe – abduction pour un danseur. Il existe 4 groupes de sport décrits par Allain et al. [11] :
- Type 1 (G1) sans impact : aviron, es- crime, brasse, plongée, gymnastique, ski, tir et voile.
- Type 2 (G2) à fort impact : arts martiaux à l’exception du judo et du karaté, vélo, motocross, football, rugby en dehors de la mêlée, ski nautique, ski alpin, parachutisme et équitation.
- Type 3 (G3) sports d’armé-contré : escalade, haltérophilie, lancer de poids, crawl ou nage papillon, saut à la perche, patinage artistique, canoë- kayak, hockey sur gazon et tennis.
- Type 4 (G4) sports d’armé-contré : basket-ball, handball, volley-ball, kayak, gardien de but, judo, karaté ou lutte.
Comme décrit par Bal et Boileau [8], il faut ajouter le niveau de pratique sportive, notamment en compétition ou au ni- veau professionnel, ainsi que l’âge pour déterminer le risque de récidive potentiel. Cependant, ces classifications “pronostic” sont utilisées pour évaluer un risque potentiel ultérieur et non pour dé- pister une instabilité.
A l’interrogatoire, il faut s’attacher à re- chercher l’un de ces symptômes au cours de la pratique sportive : douleur, subluxation, luxation, mais également l’appréhension, les conduites d’évite- ment, le changement de geste ou de poste.
Nous rapportons deux cas :
– M. M. 22 ans, danseur à l’opéra de Paris, présente des luxations répétées depuis plusieurs années, mais poursuit son art. Il se luxe pendant les représentations et réduit son épaule en cou- lisse. Il ne réalise plus de portée sur l’épaule instable et choisit des pro- grammes artistiques en conséquence.
– M. T., 24 ans, joueur de rugby professionnel au poste de pilier droit-gauche. Il a présenté plusieurs luxations de son épaule droite mais, suite à un change- ment de poste, il n’y a plus eu de récidive. Son épaule est protégée en pha- se de mêlée en rotation interne lorsqu’il joue pilier gauche. En jouant au poste de pilier droit, cette même épaule se retrouve libre, en flexion, et souvent projetée au sol. En jouant uniquement pilier gauche, il ne présente plus de luxations.
Dans ces deux cas, une intervention chirurgicale a été réalisée par une tech- nique de type butée selon Lartajet- Walch. La stabilisation chirurgicale a permis une reprise sportive au même ni- veau, avec des gestuelles sans limitation. Le premier patient a pu réaliser des gestes artistiques qu’il ne pratiquait plus et le joueur de rugby a pu évoluer sur le poste de pilier droit, ce qui lui a permis
Docteur Yoann BOHU. – 30 décembre 2015.