Lésion du ligament croisé antérieur chez l’enfant.
Les lésions ligamentaires pures de l’enfant restent certainement sous estimées, avec la notion couramment admise d’os plus fragile que les ligaments et la notion de lésions touchant préférentiellement la plaque conjugale de croissance au niveau epiphyso-métaphysaire plutôt que les ligaments.
Pourtant, devant une lésion du LCAE chez l’enfant, a moins d’avoir un enfant captivé par les jeux vidéos, la plupart de ces enfant sportifs pratiquent de manière quotidienne des activités physiques pivot, voir pivot contact, n’observant guère dès que l’épisode aigu est passé les consignes de prudence que l’on peut être amené à faire.
Les laxités anatomiques sont souvent importantes d’autant moins bien tolérées sur le plan fonctionnel qu’elles peuvent survenir sur un terrain d’hyperlaxité articulaire général physiologique.
EPIDEMIOLOGIE
Sur le plan épidémiologique, les lésions du LCAE restent rares.
Une enquête épidémiologique entreprise pour le symposium de la Société Française de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique (« SOFCOT » novembre 2006) sur deux hôpitaux pédiatriques (Lyon et Tours) sur l’ année 2005 retrouve 3% seulement de traumatismes du genou (contusion simple fractures plaies, soit 716 traumatismes du genou sur 24855 urgences pédiatriques.
Sur ces 716 traumatismes du genou, 115 correspondent à des lésions ligamentaires pures (soit 3%) touchant essentiellement les ligaments périphériques surtout interne, avec une répartition non pas de 421, mais 721 (7M, 2L, 1 LCAE) soit 12 cas de lésions du LCAE diagnostiquées.
Elles restent rares avant 9 ans, exceptionnelles avant 7 ans, touchent plutôt les filles avant 12 ans et surviennent essentiellement au décours d’accidents sportifs.
Les études américaines (BRADLEY 1980, Mc CAROLL 1988) retrouvent une fréquence de 1,5 à 4% de lésions du LCAE survenant avant l’âge de 15ans par rapport à l’ensemble des lésions du LCAE diagnostiquées.
Fait plus récent, les lésions LCAE pures sont aussi fréquentes sinon plus que les classiques lésions osseuses des épines tibiales chez l’enfant comme l’a rapporté BRACQ en 1996 (enquête de la Société Orthopédique de l’Ouest en 1996).
Dans les pays scandinaves on estime la fréquence de cette lésion à 1/100 000 enfant par an.
L’enquête de pratique en France réalisée au cours de l’année 2005 pour le symposium de Novembre 2006 semble indiquer la survenue de 350 à 400 cas par an dont 150 environ opérés par an.
On peut donc estimer que dans notre pratique nous pouvons être confronté à ce problème une à deux fois par an.
EVOLUTION NATURELLE D’UNE LESION DU LCAE CHEZ L’ENFANT
La plupart du temps, le réflexe naturel des pédiatres, médecins du sport et orthopédistes consultés est d’opter pour une solution d’attente pour envisager un traitement radical à croissance terminée, car chacun est bien conscient des risques potentiels vis-à-vis de la croissance des techniques que nous utilisons de manières habituelles chez l’adulte.
La fréquence des lésions méniscales au cours de l’accident initial ont conduit certains et peuvent encore conduire à l’irréparable, à savoir une méniscectomie sur genou instable.
Pourtant le pronostic péjoratif de l’évolution naturelle d’une lésion du LCAE chez l’enfant est aujourd’hui bien établi.
En ce qui concerne l’instabilité fonctionnelle secondaire à une lésion du LCAE chez l’enfant, Romain SEIL, a travers une méta analyse de la littérature en 2000 retrouvent 92% d’instabilité secondaires en cas de traitement conservateur contre simplement 10% d’instabilité secondaire en cas de reconstruction intra articulaire du LCAE.
Malgré le légendaire pouvoir de cicatrisation de l’enfant, les simples sutures de LCAE déchirés conduisent dans la plupart des cas à des échecs, le rôle des plasties extra articulaires d’attente type Lemaire étant tout à fait aléatoire.
Les mêmes constatations sont retrouvées, dans le cadre d’un traitement conservateur (?) en attente de fin de croissance , par :
- GRAF (Arthroscopy – 1992) à propos de 12 cas avec un recul moyen de 2 ans retrouve 100% d’instabilité secondaire.
- MIZUTA (JBJS – 1995), à propos de 18 cas avec un recul moyen note 89% d’instabilité secondaire.
Parallèlement à cette instabilité secondaire, il faut souligner la fréquence tout à fait inhabituelle des lésions méniscales associées qu’elles soient primitives (touchant essentiellement le ménisque externe ) ou secondaires :
- GRAF (Arthroscopy – 1992) : 75% de lésions méniscales initiales
- MIZUTA (JBJS -1995) : 78% de lésions méniscales initiales
- CHOTEL – BELLIER : 50% de lésions méniscales initiales
- WOODS : 46% de lésions méniscales secondaires
- ARONOWITZ : 68% de lésions méniscales secondaires
- Les lésions méniscales secondaires surviennent dans 75% des cas dans l’année qui suit la lésion du LCAE.
Plus grave encore est la présence d’authentiques signes d’arthrose s’aggravant régulièrement au fil des années de recul (3ans, 6 ans, 8 ans) alors qu’il ne s’agit encore que d’adolescent :
- MIZUTA (JBJS – 1995) note à 3 ans de recul chez des adolescent d’age moyen de 16 ans 61% d’anomalies radiographiques dont 18% de pincement articulaire notamment fémoro tibial interne
- AICHROTH (JBJS – 2002) note à 6ans de recul chez des adolescents d’âge moyen de 18 ans ½ 43% d’anomalies radiographiques avec dans 33% des cas des pincements articulaires
- KANNUS (JBJS – 1988) avait déjà noté ces anomalies radiographiques à 8 ans de recul dans 57% des cas.
LCAE et GENOU EN CROISSANCE
DONNEES EXPERIMENTALES
Pourquoi y t il donc encore autant de réticence à proposer un traitement chirurgical devant cette lésion certes rare, mais au potentiel si péjoratif.
Car elle survient sur un genou en croissance.
Un certain nombre de travaux expérimentaux ont permis de dégager de grandes notions indispensables à connaître qi l’on veut proposer une ligamentoplastie du LCAE chez l’enfant.
Les travaux chez le lapin de Guzzanti en 1994, confirmé par Jannarv en 1998 ont montré que la réalisation de tunnel à travers la plaque conjugale n’entraîne pas de trouble de croissance secondaire à condition d’être de petite taille (moins de 12% du diamètre de la physe au niveau tibial, moins de 11% du diamètre de la physe au niveau fémoral) en position centrale.
Stadelmaier (1995) chez le chien, et Seil (2001 / 2006) chez le mouton ont montré que le remplissage d’un tunnel trans physaire par un greffon tendineux protégeait du risque d’épiphysiodèse secondaire, Seil soulignant par ailleurs le rôle néfastes des systèmes de fixation trans physaires (vis d’interférence résorbable notamment) .
Donnée sans doute moins connue, une tension de fixation trop importante d’un greffon tendineux à travers les physes peut entraîner un ralentissement de la croissance (effet tenodèse des greffes) prouvées expérimentalement par ONO chez le mouton (1998) et EDWARDS chez le chien (2001) confirmées par KOCHER en 2002 (étude clinique rétrospective) avec apparition de genu valgum secondaire en cas de plastie extra articulaires type Lemaire (même sans lésion de la virole périchondrale).
La réalisation d’un tunnel trans physaire au niveau tibial en position anatomique chez l’enfant, sans risquer d’entraîner des troubles de croissance secondaires, est possible à condition de respecter certaines règles : plus vertical que chez l’adulte, à distance de la plaque conjugale et de la zone de la TTA dont le diamètre ne doit pas dépasser 10% du diamètre de la plaque conjugale tibiale.
Au niveau fémoral, de la même manière, la réalisation d’un tunnel trans physaire de taille adaptée à la taille du fémur reste possible (situation anatomique), mais il faut prendre garde à ne pas léser la virole perichondrale source de déviation axiale secondaire : il est nécessaire de garder une distance de sécurité de 2 mm par rapport à la corticale postérieure ( par exemple pour un tunnel de 6 mm de diamètre , le viseur fémoral doit avoir un « offset » de 5 mm).
Ce risque accru au niveau fémoral incite certain à privilégier un passage over the top mais à ce moment là non isométrique et d’ailleurs non sans risque sur la virole périchondrale mais aussi sur la possiblité de verticalisation secondaire de la ligne de Blumensath (toit de l’échancrure) comme l’a retrouvé Bonnard adepte de la technique de la baquette molle chez l’enfant.
Il est donc fondamental que le chirurgien amené à prendre en charge une lésion du LCAE chez l’enfant connaisse ces règles de la chirurgie orthopédique pédiatrique avant de proposer quoique ce soit comme traitement et éviter ces erreurs grossieres secondaires de stérilisation de la TTA, de déviation axiale secondaire voire d’inégalité de longueur des membres en fin de croissance comme parfois rapportées.
Il faut notamment éviter tout moyen de fixation des greffes dans les tunnels de réinsertion traversant la plaque conjugale (vis d’interférence qu’elle soit métallique ou biorésorbable) et privilégier une fixation corticale à distance des plaques de croissance.
CLINIQUE
1°) LE DIAGNOSTIC CLINIQUE
Le tableau clinique d’une lésion du LCAE de l’enfant ne se différencie guère de celui de chez l’adulte.
La lésion du LCAE survient dans la plupart des cas à la suite d’un accident sportif (entraînement, compétition ou loisir) et compte tenu du niveau de pratique des sports en France survient le plus souvent à l’occasion de la pratique du football ou du ski l’hiver.
Différence notable néanmoins, les données de l’interrogatoire, notamment concernant le mécanisme traumatique, sont d’autant plus difficile à préciser que l’enfant est jeune ; parfois on retrouve une notion de craquement puis de gonflement secondaire avec impotence fonctionnelle , mais cela n’a rien de très caractéristique et la plupart du temps, il s’agit du diagnostic d’une hémarthrose post-traumatique survenant chez un enfant plus ou moins jeune.
En dehors des fractures épiphysaires, il faut savoir que les grandes causes d’hémarthrose post-traumatiques de l’enfant sont la luxation de rotule (en général sur dysplasie loco-régionale), les lésions ostéo-chondrales ou avulsions chondrales et la lésion du LCAE (dans 25 à 40% des cas selon les séries publiées Kellemberg 1990 / Chotel 2004).
Avant toute chose, devant ce tableau clinique d’hémarthrose post-traumatique il convient de réaliser un bilan radiologique comparatif des 2 genoux (au minimum, 4 clichés de base : face, profil, echancrure inter-condylienne et défilé fémoro-patellaire à 30° toujours réalisable même dans le cadre de l’urgence) avant d’approfondir l’examen clinique.
Ce bilan radiologique permet en effet d’éliminer les fractures (notamment les fractures des épines tibiales) les arrachements osseux (bord interne de la rotule dans le cadre d’une luxation, arrachement ostéo-ligamentaires), les fractures ostéo-chondrales condyliennes etc…).
Ensuite, la reprise de l’examen clinique permet de manière plus ou moins facile d’évoquer le diagnostic de lésion ligamentaire pure du LCAE, éventuellement après ponction-évacuation de l’hémarthrose dans des conditions de stricte asepsie.
Ce diagnostic repose, dans le cadre de l’urgence, sur la constatation d’un signe de Lachman plus ou moins facile à interpréter, ce d’autant que l’enfant présente un caractère d’hyperlaxité ligamentaire.
2°) SITUER LE GENOU PAR RAPPORT A SA CROISSANCE RESTANTE
La première réflexion que l’on doit avoir lorsque l’on suspecte une lésion du LCAE devant une hémarthrose post traumatique de l’enfant est de situer ce genou par rapport à sa croissance restante
Les 2/3 de la croissance au niveau du membre inférieur provient du genou, et il faut bien dissocier croissance restante au niveau du genou et croissance restante au niveau de l’ensemble du corps
On connaît classiquement les zones de croissance du genou : plaques conjugales au niveau fémoral et au niveau tibial et zone de la tubérosité tibiale antérieure (dont la stérilisation entraîne secondairement un genu-recurvatum avec modification de la pente tibiale d’autant plus important que la stérilisation survient tôt).
Sur les 2/3 de croissance du membre inférieur en longueur qui reviennent aux plaques conjugales du genou, 60% viennent de la plaque conjugale fémorale et 40% de la plaque conjugale tibiale.
Cette croissance se fait non seulement en longueur mais également en épaisseur avec le rôle très particulier de la virole périchondrale véritable stabilisateur épiphyso métaphysaire dont l’atteinte périphérique entraînera une déviation axiale (1mm = 1°) en valgus ou varus selon le côté de l’atteinte.
Parmi les éléments cliniques et para-cliniques permettant de situer le genou dans sa croissance résiduelle, l’âge chronologique n’est certainement pas un élément à prendre en ligne de compte, les variations individuelles de la croissance en fonction de l’âge chronologique étant beaucoup trop importante avant 16/18 ans pour en tenir compte.
L’analyse des caractères pubertaires secondaires (classification de TANNER) est certainement d’un appoint tout à fait intéressant; examiner la pilosité axillaire et pubienne fait partie de l’examen clinique d’un enfant présentant une lésion du LCAE (sans que pour autant cela paraisse choquant) .
L’apparition des premières règles chez la fille est un repère intêressant mais il faut s’en méfier notamment chez la fille sportive de haut niveau (retard d’apparition des règles, croissance décalée dans le temps).
En fait, le meilleur critère de croissance osseuse résiduelle reste l’âge osseux, analysé sur la radio du coude et/ou du poignet et de la main. Son interprétation difficile nécessite l’intervention du radiologue.
Mais il existe une différence majeure sur le plan de la croissance osseuse résiduelle, à âge osseux égal entre la fille et la garçon; ainsi, à 13 ans d’âge osseux, la croissance résiduelle au niveau du genou est de moins de 1,5 cm (quasiment terminée) chez la fille alors qu’elle reste de 5 à 6 cms chez le garçon.
En pratique, car facile d’interpétation, utilisé de manière systématique dans la surveillance d’une scoliose chez l’enfant, le test de RISSER, analysé sur un cliché de face centré sur la crête iliaque (analyse de l’ossification secondaire de la crête iliaque) peut être appliqué au niveau du genou pour connaître le potentiel de croissance résiduel du genou chez l’enfant.
L’ ossification de la crête iliaque démarre par l’apparition du noyau d’ossification antérieur au niveau de l’épine iliaque antéro-supérieure (Risser 1) puis se poursuit par un fin liseré calcique se dirigeant vers l’épine ilique postéro-supérieure (Risser 2). Lorsque le liseré calcique atteint l’épine iliaque postéro-supérieur le test de Risser est à 3, puis la fusion du liseré calcique avec le reste de la crête iliaque se fait d’arrière en avant (Risser 4). Lorsque la fusion osseuse est complète aboutissant à l’épine iliaque antéro-supérieure (Risser 5) la croissance osseuse globale de l’individu est terminée.
Au niveau du genou, que ce soit chez la fille ou le garçon, un test de RISSER à 3 correspond à une croissance osseuse du genou quasiment terminée, la croissance résiduelle étant inférieure à 15 mm ( ce test de Risser 3 apparaît chez la fille pour un âge osseux de 13 ans 6 mois, et chez le garçon pour un âge osseux de 15 ans 3 mois).
CONDUITE A TENIR
Quelle est alors la meilleure prise en charge thérapeutique aujourd’hui devant une hémarthrose post traumatique d’un enfant +/- jeune où l’on suspecte une lésion du LCAE et dont on a situé le potentiel de croissance résiduel au niveau du genou.
Il est certain que dès aujourd’hui, et certainement encore plus à l’avenir, la réalisation d’une IRM en urgence permet de confirmer le diagnostic de lésion ligamentaire du LCAE chez l’enfant et de préciser les éventuelles lésions associées notamment méniscales.
A défaut de cette IRM en urgence, lors du symposium de la SOFCOT 2006 se dégage une attitude pragmatique de prudence dédramatisation : mise en décharge (attelle, cannes) et nouvel examen 15/20 jours après
Pourtant un certain nombre d’arguments peuvent justifier notamment chez le jeune enfant sportif de haut niveau une attitude plus agressive, la réalisation d’une arthroscopie certes d’autant plus délicate que l’enfant est jeune mais qui permettra un diagnostic lésionnel le plus précis possible et un traitement adapté aux lésions rencontrées.
Gaulrapp (2006) sur une période de 10 ans (1982:1992) réalise 457 arthroscopies chez des enfants entre 3 et 16 ans; il retrouve 20% de lésion du LCAE, pourcentage similaire déjà relevé par Kellenberg (1990).
Stanitski (1994) et plus récemment Chotel en France ne 2003 retrouve une fréquence de lésion du LCAE de 45%
Pour notre part, face à l’impossibilité de recourir à une IRM en urgence dans 4/5 jours, l’arthroscopie parait tout à fait justifiée.
Elle permet le bilan lésionnel intra articulaire exact du genou, de traiter les lésions méniscales associées retrouvées dans 50% des cas, traitement dominé par la conservation du capital méniscal (suture, savoir laisser en place des lésions méniscales stables)
Exceptionnellement elle permettra le diagnostic et le traitement des avulsions du LCAE au plancher ou au plafond avec des techniques de suture type Marschall dont on connaît les bons résultats, pouvant être d’ailleurs renforcée sur un tuteur de droit interne (technique de CHO utilisée chez l’adulte dans les années 80, adaptée aux règles de la chirurgie pédiatrique).
La décision d’une telle attitude oblige bien entendu à une information aussi rigoureuse et honnête que possible des gestes que l’on peut être amené à réaliser au cours de ce geste vis-à-vis de l’enfant et de ses parents.
Dans certains cas on pourra même être amené à réaliser une ligamentoplastie.
LES TECHNIQUES DE LIGAMENTOPLASTIE DU LCAE UTILISABLE CHEZ L’ENFANT
Sur le plan de la ligamentoplastie du LCAE chez l’enfant, il y a plusieurs techniques possibles, la meilleure étant certainement celle que l’on maîtrise le mieux.
On peut schématiquement les distinguer en fonction du respect ou non des plaques conjugales au cours de leur réalisation
LES DIFFERENTES TECHNIQUES
TECHNIQUES RESPECTANT LES PLAQUES CONJUGALES
Il s’agit des techniques les plus anciennes qu’elles utilisent :
- les ischio-jambiers (LISCOMBS / 1986, BRIEF / 1991)
- le tendon patellaire technique dite de la baguette molle principalement utilisée en France décrite par l’équipe de Clocheville à Tours (BONNARD)
- Le fascia lata (décrite par Kocher en 1980) rapportée par Jaeger en France (2001)
Ces différentes techniques ont l’apanage de l’antériorité, respectent les plaques de croissances mais ne sont pas, dans le cadre d’une reconstruction du LCAE, parfaitement isométriques.
TECHNIQUES TRANSPHYSAIRE TIBIALE SEULE
En fonction de la greffe utilisée, il s’agit de techniques de reconstruction du LCAE isométrique traversant la plaque conjugale tibiale de manière à avoir un ancrage tibial anatomique, mais respectant la plaque conjugale fémorale tout en étant anatomique au niveau fémoral (le tunnel fémoral épiphysaire siège en dessous de la plaque de croissance, elles sont d’autant plus difficile à réaliser que l’enfant est jeune).
Elles utilisent soit les ischios jambiers (ANDERSON/ 1995) soit le tendon quadricipital (CHOTEL/ 2003/ Technique lyonnaise) voir même des greffes de banques (ANDREWS / 2001)
LES TECHNIQUES TRAVERSANT LES PLAQUES DE CROISSANCE FEMORALE ET TIBIALE
Elles se sont développées compte tenu de la facilité d’utilisation des ischios jambiers (DIDT) et ont été rapportées par SIMONIAN (1999) et AICROTH (2002).
Elles sont parfaitement isométriques, mais doivent éviter d’agresser la virole périchondrale au niveau du bord postéro supérieur de l’échancrure.
LES GRANDS PRINCIPES DE CES DIFFERENTES TECHNIQUES
Quelle que soit la technique utilisée, elle doit obéir aux grands principes de l’orthopédie pédiatrique :
- Savoir où se situe les plaques conjugales et réaliser le passage des ligamentoplasties sans exposer ces plaques de croissance.
- Ne pas utiliser de moyen de fixation inertes des ligamentoplasties transphysaires passant à travers les plaques de croissance (pas de vis d’interférence)
- Fixation des greffes en situation corticale ou spongieuse à distance des plaques de croissance
En ce qui concerne les suites post-opératoires, certes fonction de la technique, il faut savoir que la raideur articulaire post-opératoire « n’existe pas » chez l’enfant et qu’il ne faut pas hésiter à utiliser des immobilisations post opératoires non amovibles articulées ou non, à conserver 6 à 8 semaines (voir 3 à 4 mois chez les enfants hyperlaxes en gardant un flessum de sécurité).
Les protocoles de rééducation accélérés ne sont pas de mise chez l’enfant et il faut savoir attendre la maturation de la greffe avant d’autoriser la reprise des activités sportives.
SERIE PERSONNELLE
De 1989 à 2005, nous avons été confronté à 48 lésions du LCAE chez des enfants âgés de 7 à 15 ans :
- un seul âgé de mois de 11 ans (anse de seau du ménisque interne luxée associée qui a été suturé, sans geste spécifique sur le LCAE, immobilisé par résine pendant 6 semaine, suivi pendant 2 ans, sans plainte fonctionnelle malgré une laxité antérieure persistante puis perdu de vu).
- 7 enfants âges de 11 à 13 ans
- 40 enfants âgés de 14 à 15 ans)
7 enfants n’ont pu être suivi plus de six mois (perdus de vu).
36 enfants ont été opérés (21 filles et 15 garçons) dans un délai variable de 15 jours à 3ans.
L’intervention a toujours été réalisée à RISSER 3.
2 enfants sont actuellement en attente de prise en charge chirurgicale.
A part 3 enfants ayant bénéficié d’arthroscopie en semi-urgence, ce qui a permis de réaliser des sutures types Marshall (1 avulsion au niveau fémoral, 2 avulsions au niveau tibial) avec un recul de 3 à 7 ans avec un résultat IKDC excellent.
Pour ceux qui ont été opérés, il a été prescrit des orthèses articulées de protection (sans trop y croire, car plus la période de prescription est longue, moins les enfants portent leur orthèse) et ont été dispensé de toute activité sportive comportant des pivots au niveau du genou (la encore avec une efficacité plus ou moins respectée, car,à moins d’avoir des enfants captivés par les consoles de jeux vidéos, ils soumettent des contraintes pivot à leur genou dans leur simple activité de loisir –cour de récréation ou autre).
Sur le plan de la technique chirurgicale, compte tenu d’une intervention à RISSER 3, sans risque potentiel vis à vis de la croissance, la technique utilisée a été transphysaire fémorale et tibiale isométrique en distinguent deux périodes selon la ligamentoplastie réalisée sous arthroscopie:
– Technique utilisant une greffe os tendon rotulien os selon la technique de Rosemberg (6 enfants entre 1989 et 1994)
– Technique utilisant le DIDT (30 enfants entre 1995 et 2005).
Tous ces 36 enfants ont été revus à croissance terminée avec un recul de 1 à 8 ans.
Analyse des lésions méniscales associées primitives retrouvées lors de l’arthroscopie initiale ou du bilan IRM réalisé en urgence (sur 48 cas) :
- Absence de lésions méniscales dans 24 cas soit 50% des cas
- Lésions méniscales considérées comme stable (moins de 15 mm en longueur) et laissées en place : 10 cas
- Méniscectomies partielles dans 8 cas : 6 concernent le ménisque latéral (lésions obliques instables en arrière de la fente du poplité), 2 concernent le ménisque médial.
- Sutures méniscales dans 6 cas, 3 au niveau du ménisque médial, 3 au niveau du ménisque latéral.
Analyse des lésions méniscales « secondaires » au moment du geste de reconstruction du LCAE ( 36 cas avec un délai moyen de 18 mois à dater de l’accident initial) :
- Absence de lésion dans 13 cas (66% de lésions secondaires)
- Sutures méniscales dans 18 cas (13 sur le ménisque médial, 5 sur le ménisque latéral) avec 4 cas d’échec de suture méniscale dans les deux ans post-opératoires
- Méniscectomies partielles dans 5 cas (3 latérales, 2 médiales) dont 2 échecs de suture méniscale primaire réalisés lors de l’arthroscopie contemporaine de la lésion.
Analyse de la stabilité secondaire (cotation IKDC) (36 cas avec un recul de 1 à 8 ans) :
- Laxité antérieure récidivée dans 2 cas (échec biologique d’intégration de la greffe survenant sur des enfants hyperlaxes (recurvatum physiologique supérieur à 10° non insuffsamment contraints dans la période post-opératoire.
- 1 cas de rupture traumatique vraie de la greffe à 5 ans de recul au décours d’une nouvelle entorse du genou chez une jeune femme pratiquant le hand ball.
- Aucun échec dans la courte série initiale utilisant le tendon rotulien comme greffe.
- Score IKDC A ou B dans 81% des cas.
Dans la mesure où tous les enfants ont été opérés à RISSER 3, aucun trouble de croissance osseuse secondaire n’a été constaté.
TROUBLES DE CROISSANCE SECONDAIRES AUX TECHNIQUES CHIRURGICALES UTILISEES CHEZ L ENFANT
Pour ce qui est des troubles de croissance secondaire, on peut maintenant se baser sur deux études multicentriques : l’étude américaine du groupe HERODICUS ( étude de pratique concernant 140 chirurgiens rapportée par KOCHER 2002) et l’étude française de la SOFCOT 2006.
L’étude américaine, basée sur des critères « larges » d’analyse des troubles de croissance (déviation axiale du membre inférieur supérieure à 5°, inégalité de longueur des membres inférieurs supérieure à 15 mm).
Elle fait état de 11% de troubles de croissance « majeurs » sans qu’elle ne la rapporte à une technique définie ni ne précise la notion d’intervention secondaire liée au trouble de croissance :
- 11 cas de fémur valgus secondaire
- 3 cas de tibia recurvatum par sterilisation de la TTA
- 1 cas d’inégalité de longueur de 30 mm
L’étude française se base sur des critères strict d’analyse concernant 92 dossiers complets dans leur analyse (sur 139 cas) avec notamment la réalisation de goniométrie, radios face profil strict avec étude notamment de l’orientation de la ligne de Blumensath, de la flexion de l’epiphyse fémorale etc… et des critères plus stricts (inégalité de longueur supérieure à 10 mm, troubles angulaires supérieurs à 5°…).
Elle fait état de 12% de troubles de croissance secondaires (11 cas sur 92), certains cas pouvant présenter plusieurs troubles de croissance simultanés selon le plan dans lequel a été fait l’analyse (frontale, sagittale, longueur…) :
- 4 cas de fémur valgus dont un cas ayant nécessité une ré-intervention
- 4 cas de flexion de l’épiphyse fémorale (technique de Clocheville)
- 7 cas de verticalisation de la ligne de Blumensath (Technique de Clocheville)
- 5 cas de désaxation tibiale : 2 varus et 3 valgus
- 2 cas d’inégalité de longueur supérieure à 10 mm (dont le cas de fémur valgus opéré).
S’il ne faut pas sous estimer ce risque vis-à-vis de la croissance en cas d’intervention sur le LCAE sur un genou en croissance, ils apparaissent tant en nombre qu’en gravité beaucoup moins nocif (hors exception) que les troubles engendrés par l’évolution naturelle d’une lésion du LCAE chez l’enfant non opérée (plus de 30% de remodelé radiologique de type arthrosique à 8 ans de recul).
CONCLUSIONS
La lésion du LCAE chez l’enfant est moins rare que l’on ne pense.
Cela pose le diagnostic lésionnel devant une hémarthrose post-traumatique du genou chez l’enfant qui doit être le plus précis possible (IRM en urgence, à défaut bilan arthroscopique).
Le traitement fonctionnel n’est qu’une solution d’attente qu’il faut savoir ne pas prolonger en cas de laxité antérieure avérée.
Les plasties extra-articulaires type Lemaire, un temps pronées en France, ne sont plus de mise.
Les indications chirurgicales peuvent être posées chez l’enfant avant la fin de la croissance (avant RISSER 3) notamment chez les jeunes faisant partie de pôles de sport de haut niveau ou chez les enfants particulièrement turbulents sans risque notable vis-à-vis de la croissance résiduelle du genou.
La fréquence des lésions méniscales initiales et à fortiori secondaires incitent à cette attitude « agressive » ce d’autant que l’on peut élargir les indications de conservation méniscale (sutures ou respect de lésions stables).
Les indications ne posent plus ce problème après RISSER 3, la croissance sur le genou pouvant être considérée comme terminée.
La prise en charge d’un tel problème nécessite une parfaite connaissance de la chirurgie pédiatrique et de la technique arthroscopique :
- il s’agit de genou plus ou moins petit à échancrure étroite
- il faut connaître l’emplacement des plaques conjugales sans jamais les exposer
- il faut parfaitement maîtriser la technique de réparation choisie
- le dogme de l’économie méniscale doit sans cesse être présent.
Et surtout ne pas oublier de fournir toutes les informations préalablement aux parents (notamment dans le cas où un bilan arthroscopique est proposé devant une hémarthrose post-traumatique et où les gestes de réparation peuvent être « pris » dans l’instant).
BIBLIOGRAPHIE
Une bibliographie exhaustive pourra être consultée sur les deux articles de références:
KOCHER MS, SAXON HS, HOVIS WD, HAWKINS RJ
Managment and complications of anterior cruciate ligament injuries in skelettaly immature patients : survey of the Herodicus Society and the ACL Study Group
J Pediatr Orthop, 2002, Jul-Aug; 22(4); 452-457
Sous la direction de F.BONNARD
Symposium « LCAE chez l’enfant »
SOFCOT, 82eme Réunion Annuelle, Novembre 2006
RCO, 2007, A paraître
Docteur Nicolas LEFEVRE, Docteur Serge HERMAN, Docteur Yoann BOHU. – 3 janvier 2015.