Docteur Yves Guglielmetti
Clinique du Sport -Paris
Résumé
L’utilisation du PRP s’est largement répandue en traumatologie du sport depuis une dizaine d’années, comme alternative à la chirurgie ou comme adjuvant chirurgical. Des succès, très médiatisés, chez des sportifs de haut niveau puis la suppression de la liste des substances et méthodes interdites par l’AMA fin 2010 ont fait littéralement flamber l’attrait pour cette technique.
L’absence d’effets secondaires et une excellente tolérance, font de l’injection de PRP, réalisée dans des conditions rigoureuses, une technique d’une grande sureté.
Dans l’état actuel de nos connaissances, l’efficacité du traitement par PRP n’est plus à démontrer dans le traitement des lésions cartilagineuses (7 études à haut niveau de preuve), supérieure à l’acide hyaluronique.
Le guidage échographique et une bonne gestion de la douleur (antalgigue de pallier 1 ou 2, MEOPA) sont essentiels dans l’injection des lésions tendineuses et musculaires mais rarement nécessaire dans l’injection articulaire peu douloureuse.
Les traitements différent beaucoup d’un praticien à l’autre, en terme de concentration plaquettaire, de richesse en cellules (érythrocytes, leucocytes), de repérage échographique, de gestion de la douleur, du nombre de séances et d’accompagnement. Il est essentiel de mieux définir les protocoles par des études comparatives.
La phase de rééducation et le reconditionnement à l’effort est une étape essentielle, souvent négligée quand le PRP est présenté comme un remède miracle !
Historique des concentrés plaquettaires
Les concentrés plaquettaires PRP sont à l’origine des dérivés du sang, utilisés en hématologie pour la prévention et le traitement des hémorragies dues à des thrombopénies graves d’origine centrale.
Les concentrés plaquettaires utilisés comme adjuvants chirurgicaux puis en traumatologie du sport ont été arbitrairement dénommés PRP comme les concentrés plaquettaires standard de l’hématologie transfusionnelle.
Selon les fabricants de matériel et les auteurs, différents termes sont employés pour définir ces concentrés plaquettaires : PRP (Platelet Rich Plasma ou Plasma Riche en Plaquettes), cPRP (concentrated PRP), PRGF (Plasma Rich in Growth factors, plasma riche en facteurs de croissance), sang autologue. Nous verrons que ces concentrés sont variables dans leur composition, en terme de concentration en facteurs de croissance, en fibrinogène, en plaquettes, voir par la présence de leucocytes ou de granulocytes, ou encore de l’utilisation d’un activateur.
Les premières utilisations de concentrés plaquettaires autologues, le PRF (Platelet Rich Fibrin, sang total sans anticoagulant) remontent aux années 1970 dans les indications de chirurgie maxillo-faciale par Matras H. (2), aux années 1980 dans le traitement des ulcères cutanés chez le diabétique. L’utilisation de ce procédé s’est largement développée dans les années 90 en Amérique du Nord, en Asie et en Europe, comme adjuvant chirurgical (3,4,5), pour prendre une place importante en traumatologie du sport depuis une dizaine d’années.
Les indications sont nombreuses, d’abord comme adjuvant chirurgical dans les réparations tendineuses, osseuses et ligamentaires, puis médicales dans les tendinopathies, les lésions ligamentaires ou musculaires et les chondropathies traumatiques ou dégénératives comme l’arthrose.
Le comité exécutif de l’A.M.A. (Agence Mondiale Antidopage) réuni le 18 septembre 2010 à Montréal a retiré de la liste 2011 des substances et méthodes interdites l’usage des préparations dérivées des plaquettes (PRP).
Principe de base scientifique – mécanisme d’action
Les mécanismes naturels de la cicatrisation sur un organisme en cas de lésion vasculaire sont les suivants : activation puis agrégation plaquettaire, stabilisation de la fibrine permettant la formation d’un thrombus (caillot) et libération de facteurs de croissance, stimulant la prolifération cellulaire et ainsi la cicatrisation.
Le principe du traitement par PRP est de reproduire ces mécanismes de cicatrisation et de régénération tissulaire par injection dans le tissu lésé de plasma sanguin autologue concentré en plaquettes. Ce tissu peut être un tendon, un ligament, un muscle, un os ou une articulation. L’utilisation est purement médicale ou accompagne un geste chirurgical.
La préparation de PRP nécessite un prélèvement sanguin, qui est centrifugé pour séparer le plasma pauvre en plaquette (PPP,5%) en surface, le plasma riche en plaquette et en fibrinogène (PRP, 40%) au milieu, des granulocytes et des leucocytes au fond du tube (55%). Le séparateur cellulaire permet d’augmenter la concentration en plaquettes et en facteurs de croissance contenus dans leurs alpha- granules de 200 à 600%. Selon le matériel utilisé et la simple ou double centrifugation, la composition du PRP peut être variable en termes de concentration de plaquettes et de facteurs de croissance ; il ne doit contenir ni granulocytes, ni leucocytes et ne doit pas être coagulé.
L’utilisation d’un anesthésique local avant l’injection du PRP n’est pas recommandée par la majorité des auteurs, il modifierait le ph local, hors le PRP est très ph-dépendant.
Le plasma concentré en plaquettes est ensuite réinjecté dans la zone pathologique. Ces plaquettes libèrent des facteurs de croissance en grand nombre, permettant la cicatrisation des tissus lésés en stimulant les cellules souches locales, et réduisent inflammation et hémorragie. L’hypothèse physiopathologique est que ce sont le TGF β (transforming growth factor β) et le bFGF (basic fibroblast growth factor) qui agissent comme des médiateurs humoraux pour déclencher la cascade de la cicatrisation (1). D’autres facteurs interviennent dans la prolifération, la différenciation et la migration cellulaires ou encore dans l’angiogénèse, comme le PDGF (platelet-derived growth factor), le ECGF (endothelial cell growth factor), le PD-EGF (platelet-derived epithelial growth factor), les IGF–I, II (insuline-like growth factor), le VEGF (vascular endothelial growth factor) et le ECGF (endothelial cell growth factor). Les granules alpha des plaquettes contiennent également des molécules bios actives comme la sérotonine, l’histamine, la dopamine, les adénosines, le calcium, les catécholamines, qui jouent un rôle biologique fondamental dans les trois les phases de la réparation (inflammation, prolifération, remodelage). De ces propriétés ont découlé un grand nombre d’indications thérapeutiques qu’il convient de mieux évaluer.
Les concentrés plaquettaires auraient des propriétés bactériostatiques, mises en évidence sur le Staphylocoque epidermidis et le Staphylocoque aureus, réduisant ainsi les risques de contamination microbiale de la zone traitée (Endoret de Biotechnology Institute).
Les AINS ne doivent pas être utilisés les 10 jours précédents et les deux semaines qui suivent l’injection de PRP, ils risquent d’inhiber l’action des prostaglandines et ainsi les effets stimulateurs du PRP. On évitera également les soins locaux anti-inflammatoires y compris l’application de poche de froid. En cas de douleur, on aura recours au paracétamol.
Graziani (20) a étudié l’action in vitro des concentrés plaquettaires sur les ostéoblastes et les fibroblastes. Il a mis en évidence le rôle stimulateur du PRP sur la prolifération cellulaire, particulièrement nette à 72 heures, maximum pour une concentration plaquettaire de 2,5 fois la concentration plasmatique, des concentrations plus élevées réduisent cette prolifération. Cette étude est un élément de réponse dans le choix de la concentration en plaquettes à utiliser dans les protocoles thérapeutiques. Il rejoint en ce sens d’autres auteurs en particulier Weibrich (24).
Gerben M. van Buul (22) a étudié l’effet des concentrés plaquettaires (6x) sur des cultures de chondrocytes humains issus de genoux arthrosiques. De nombreuses études ont montré les effets anabolisants du PRP sur le chondrocyte sain. Tout l’intérêt de cette étude est d’analyser l’effet du PRP sur le cartilage dégénératif. La mise en évidence d’une inhibition des processus inflammatoires encourage son utilisation dans l ‘arthrose.
E. Anitua (23) a observé l’effet du PRGF (concentré plaquettaire 2 à 3x) sur des chondrocytes issus d’articulations arthrosiques. Il a mis en évidence un rôle stimulateur sur la sécrétion d’acide hyaluronique et l’angiogénése.
Les publications dans l’arthrose
L’utilisation des concentrés plaquettaires dans l’arthrose et les chondropathies intéresse de nombreux auteurs, cherchant à préciser leur mode d’action et à comparer leur efficacité par rapport aux injections d’acide hyaluronique ou au placebo.
Sanchez et al (19) ont étudié, de manière prospective, l’efficacité de l‘injection intra articulaire de PRGF dans la gonarthrose sur 30 patients, comparée à un groupe contrôle de 30 patients traités par l’injection intra articulaire d’acide hyaluronique, à raison de 3 injections à une semaine d’intervalle. Ils concluent à 33,4% de résultats positifs sur la douleur à 5 semaines dans le groupe PRGF et 10% dans le groupe acide hyaluronique. Les effets bénéfiques à 6 et 12 mois n’ont pas été analysés, relativisant l’intérêt de cette étude.
Elizaveta Kon (21) a analysé l’efficacité d’un traitement par PRP versus acide hyaluronique dans le genou atteint d’arthrose ou de chondropathie dégénérative. L’analyse porte sur 3 groupes homogènes de 50 patients traités soit par un AH à bas poids moléculaire (AHBP), soit par un AH à haut poids moléculaire (AHHP), soit par le PRP. Le protocole retenu consistait en l’injection de 5 ml de concentré plaquettaire (6x, anticoagulé et activé), 3 fois à 14 jours d’intervalle. Les patients ont été évalués par le score IKDC avant traitement, à 2 mois et à 6 mois. Les résultats montrent une efficacité plus grande et plus prolongée du traitement par PRP chez les patients plus actifs et avec des lésions moins évoluées. Les résultats à 6 mois du traitement par PRP ou AH sont comparables chez les sujets plus âgés. Les auteurs ont fait le choix d’une concentration en plaquettes nettement plus élevée que dans l’étude in vitro de Graziani. La concentration idéale en plaquettes n’est peut-être pas la même selon les indications thérapeutiques et les sites d’injection.
M. Bouvard et B. Eichene (34 et 35) en 2014 ont fait une excellente revue de la littérature sur le sujet, ils ont retenus 6 études de haut niveau de preuve sur l’arthrose, 5 versus AH (28, 29, 30, 31, 32) et 1 versus placebo (33). L’efficacité des PRP est supérieure aux AH ou au placebo, surtout chez les patients souffrant d’une arthrose débutante.
En 2016, Patrick A. Smith (40) dans une étude à haut niveau de preuve, randomisée, en double aveugle, a analysé l’efficacité d’un traitement par PRP versus placebo dans le genou arthrosique (stade 2 et 3 de Kellgren-Lawrence). Sur 114 patients analysés, 30 ont été retenus, en deux groupes homogènes, 15 ayant reçus 3 injections de PRP et 15 ayant reçus une solution saline (placebo), à raison de 3 injections à une semaine d’intervalle. Le retentissement fonctionnel de l’arthrose a été évalué par le score de WOMAC, avant et après injection. Les patients ont été suivis pendant 12 mois. Les auteurs ne révèlent aucun événement indésirable. L’amélioration du score de Womac à 12 mois dans le groupe placebo est de 7% pour une amélioration de 78% dans le groupe PRP, ressentie progressivement dès la première injection. Le PRP confirme une fois de plus son efficacité dans le traitement de l’arthrose
Bibliographie
1. Iwasaki M, Nakahara H, Nakata K, Nakase T, Kimura T, Ono K. Regulation of proliferation and osteochondrogenic differentiation of periosteum-derived cells by transforming growth factor-beta and basic fibroblast growth factor. J Bone Joint Surg Am 1995; 77:543-554.
2. Matras H. Fibrin sealant in maxillofacial surgery. Development and indications. A review of the past 12 years. Facial Plast. Surg 1985;2:297-313.
3. Proliferation and osteochondrogenic differentiation of periosteum-derived cells by transforming growth factor-beta and basic fibroblast growth factor. J Bone Joint Surg Am 1995; 77:543-554.
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5. Marx R GA. Dental and craniofacial applications of plateletrich plasma, 2005.
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21. Elizaveta Kon, M.D., Bert Mandelbaum, M.D., Roberto Buda, M.D., Giuseppe Filardo, M.D., Marco Delcogliano, M.D., Antonio Timoncini, M.D., Pier Maria Fornasari, M.D., Sandro Giannini, M.D., and Maurilio Marcacci, M.D.Platelet-Rich Plasma Intra-Articular Injection Versus Hyaluronic Acid Viscosupplementation as Treatments for Cartilage Pathology: From Early Degeneration to Osteoarthritis.
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22. Gerben M. van Buul,*y MD, Wendy L.M. Koevoet,z BSc, Nicole Kops,* BSc, P. Koen Bos,* MD, PhD, Jan A.N. Verhaar,* MD, PhD, Harrie Weinans,* PhD, Monique R. Bernsen,y PhD, and Gerjo J.V.M. van Osch,*z§ PhD Investigation performed at Erasmus MC, Rotterdam, the Netherlands. Platelet-Rich Plasma Releasate Inhibits Inflammatory Processes in Osteoarthritic Chondrocytes. The American Journal of Sports Medicine, Vol. 39, No. 11.
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28. Giuseppe Filardo1, Elizaveta Kon1*, Alessandro Di Martino2, Berardo Di Matteo2, Maria Letizia Merli2, Annarita Cenacchi3, Pier Maria Fornasari3 and Maurilio Marcacci2. Platelet-rich plasma vs hyaluronic acid to treat knee degenerative pathology: study design and preliminary results of a randomized controlled trial.
29. Omer Mei-Dan, Michael R. Carmont, Lior Laver, Gideon Mann, Nicola Maffulli, and Meir Nyska. Platelet-Rich Plasma or Hyaluronate in the Management of Osteochondral Lesions of the Talus. Am J Sports Med March 2012 40 534-541; published online before print January 17, 2012.
30. Sánchez M, Fiz N, Azofra J, Usabiaga J, Aduriz Recalde E, García Guitierrez A, Albillos J, Gárate R, Aguirre JJ, Padilla S, Orive G, Anitua E. A randomized Clinical Trial Evaluating Plasma Richin Growth Factors (PRGF-Endoret) Versus Hyaluronic Acid in the Short-Term Treatment of Symptomatic Knee Osteoarthritis. Arthoscopy. 2012 Aug; 28(8):1070-8.
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34. Bouvard M., Eichene B. Traitement par PRP 1° partie: les lésions cartilagineuses et musculaires. Journal de Traumatologie du Sport 31 (2014) 113-120.
40. Patrick A. Smith. Intra-articular Autologous Conditioned Plasma Injections Provide Safe and Efficacious Treatment for Knee Osteoarthritis: An FDA-Sanctioned, Randomized, Double-blind, Placebo-controlled Clinical Trial. Am J Sports Med published online February 1, 2016.
Docteur Yves GUGLIELMETTI. – 24 novembre 2014.