IRM_aspect_normal_LCA_ligament_croise_anterieur

Fragilité particulière du ligament croisé chez la femme au cours de l’exercice sportif : raisons et attitudes thérapeutiques

Introduction

Ces 30 dernières années, il y a eu une augmentation significative de la participation sportive des femmes dans tous les domaines  à tous les niveaux et notamment aux Etat- unis après l’adoption de l’amendement n°IX sur l’Education en 1972 (1) supprimant la discrimination féminine dans la pratique du sport à l’école.

La participation sportive des hommes, au niveau des études secondaires, a augmenté de moins de 3% (de 3,7 à 3,8 millions) depuis 1972, alors que la participation des femmes a augmenté de plus de 9 fois, doublant tous les 10 ans (de 0,3 à 2,8 millions) (2). Avec cette augmentation de participation sportive, l’exposition aux traumatismes et donc aux de blessures ont également augmenté. Les femmes, qui participent à des sports de pivot, ont un risque de lésion du LCA plus grand que les hommes. De nombreuses études ont montré un risque 4 à 7 fois plus important de rupture du LCA pour la population féminine que pour les hommes au même niveau sportif (3-6)

La plupart des lésions du LCA chez les athlètes féminines se produisent au cours d’un accident de pivot sans contact, généralement pendant la décélération, un pivotement (changement de direction), ou une réception de saut. La définition d’un accident de pivot sans contact a été établie par Marshall (7,8) comme étant « une force appliquée sur le genou au moment de l’accident, mouvement propre à l’athlète sans contact avec un autre athlète ou objet » « forces applied to the knee at the time of injury resulted from the athlete’s own movements and did not involve contact with another athlete or object’’.

Différentes théories tentent d’expliquer cette différence de sexe ratio.

L’une d’entre elles serait une théorie anatomique, mais qui à elle seule, ne peut pas expliquer cette différence. D’autres auteurs ont rapporté que la plus grande fréquence de rupture du ligament croisé antérieur chez les femmes serait liée aux déséquilibres de contrôle neuromusculaire. Enfin les variations des hormones sexuelles du cycle menstruel pourraient avoir une part de responsabilité.

Epidémiologie

La rupture du ligament croisé antérieur est l’une des lésions du sportif les plus fréquentes. La fréquence des lésions du LCA aux Etats-Unis est de 250 000 LCA par an (9). Le coût lié à ces lésions pour la santé publique est très important puisqu’ il est de 17 000 dollars par ligament aux USA (10).

Aux Pays-Bas, plus de 5000 ligamentoplasties ont été réalisées en 2008 soit une rupture du LCA pour 3200 habitants. En France, 35000 ruptures du LCA ont été opérées en 2007 soit une rupture du LCA pour 1900 habitants (11). En Suisse,  il y a environ 81 lésions du LCA pour 100 000 individus par an (10 à 64 ans).

En Allemagne,  70 lésions du LCA pour 100 000 individus par an (12).

Enfin, la fréquence des ruptures du LCA en Norvège (registre) est de 85 ruptures du LCA pour 100 000 individus par an (16 à 39 ans) avec un nombre plus important chez les filles dans la tranche d’âge 15/19 ans (13).

Sport pratiqués

Nous savons que les lésions du LCA  sont plus fréquentes chez la femme avec un risque  4 à 6 fois plus élevé, et cette différence est variable en fonction des sports pratiqués et du niveau sportif.

L’incidence de la rupture du LCA dans le hand-ball est de 0.82 rupture du LCA pour 1000 heures de hand chez les femmes, contre 0.31 rupture du LCA pour 1000 heures de hand chez les hommes (risque relatif : 2.65). De plus le risque augmente avec la compétition : 2.29 ruptures du LCA pour 1000 heures de match chez les femmes (risque relatif : 2.8) (6,14).

Parkkari a étudié l’incidence et les facteurs de risque de la rupture des ligaments croisés du genou chez les adolescents et adultes jeunes. La population étudiée était de 46 472 individus. Entre 1987 et 1997 ont été inclus dans cette étude 21432 garçons et 25099 filles âgés de 14 à 18 ans. Cette population a été suivie pendant une période moyenne de 9 ans (4-14 ans) l’âge moyen de la population à la fin de l’étude était de 30 ans pour les adolescents inclus en 1987 et 21 ans pour ceux en 1997. Cette étude a été faite à partir des registres de santé publique de Finlande avec comme critère d’inclusion, tout patient hospitalisé avec un diagnostic de lésion du ligament croisé antérieur ou postérieur. Durant cette période il y a eu 265 ruptures du ligament croisé du genou chez 46 472 individus. L’incidence dans cette population était de 61 lésions du LCA pour 100 000 individus par an avec 96 ruptures du LCA pour 100 000 garçons par an et 30 ruptures du LCA pour 100 000 filles par an. L’âge moyen au moment de l’accident était de 22,6 ans chez les garçons et 22,2 ans chez les filles. Cependant en tenant en compte du contexte socio économique, de la santé, de l’activité sportive de cette population mixte : le risque relatif était deux fois plus important pour les filles ayant une activité sportive supérieure à 4 fois par semaine que pour les garçons (RR 8.5 versus 4.3). Il n’y avait pas de différence pour une activité sportive inférieure à 3 fois par semaine (15).

Prodromos a également étudié la répartition de la fréquence des ruptures du LCA dans les différents sports. Le basket est l’un des sports le plus à risque pour les filles avec un taux de rupture de 0,29 LCA pour 1000 expositions chez les filles et de 0,08 LCA pour 1000 expositions chez les garçons, le sex-ratio est de 3,6 dans cette population d’étudiants sportifs. Chez les basketteurs professionnels, le sex-ratio est proche de 1 (0,20 LCA pour 1000 expositions chez les filles et 0,21 LCA pour 1000 expositions chez les garçons). Le risque pour le football est de 0,32 lésions du LCA pour 1000 expositions chez les filles et de 0,12 lésions du LCA pour 1000 expositions chez les garçons, le sex-ratio est de 2,77. Le Handball a un taux de 0,56 lésions du LCA pour 1000 expositions chez les filles et de 0,11 lésions du LCA pour 1000 expositions chez les garçons. Les sports de combat ont un taux de 0,77 lésions du LCA pour 1000 expositions chez les filles et de 0,19 lésions du LCA pour 1000 expositions chez les garçons, le sex-ratio est de 4,05. Dans cette étude il n’y a pas eu de différence entre les deux sexes dans les ruptures secondaires dues aux accidents de ski. En revanche le risque est beaucoup plus faible chez les professionnels du ski (moniteur, pisteur, guide) que dans la population générale, respectivement 0,02 lésions du LCA pour 1000 expositions et 0,63 lésions du LCA pour 1000 expositions (14). En revanche, Johnson a un plus grand nombre de ruptures chez les femmes en ski de compétition sex-ratio F/H 2.5 (16). Enfin Pasanen montre que 70% des ruptures du LCA sont secondaires à un traumatisme sans pivot contact chez les femmes (17).

Facteurs de risque

Différents facteurs tentent d’expliquer cette différence de sexe ratio. Ce sont les facteurs extrinsèques et intrinsèques.

Facteurs extrinsèques :

1.    Compétition versus entraînement.

On sait peu de choses sur le risque de rupture pendant la compétition, Myklebust a signalé que les athlètes hommes ou femmes courent un risque plus élevé de lésion du LCA lors d’un match de handball que lors de l’entraînement (18). Johnson a un plus grand nombre de ruptures chez les femmes en ski de compétition sex-ratio F/H 2.5 (16). Mais aucune étude ne donne d’explication sur ce facteur de risque extrinsèque.

2.    Surface et terrain

L’augmentation du coefficient de frottement entre les chaussures de sport et les surfaces de jeu a amélioré la puissance et les performances sportives mais il accroît également le risque de lésion du LCA. Lambson a constaté que le risque de lésion du LCA est plus grand chez footballeurs dont les chaussures ont un plus grand nombre de crampons et lorsque l’interface de jeux est plus adhérente(19). Olsen a signalé que le risque de lésion du LCA est plus élevé dans les équipes féminines de handball qui jouent sur des sols artificiels (avec une adhérence plus élevée) que sur des planchers en bois. Cette relation n’existait pas pour les athlètes masculins (20).

3.    Equipement et genouillère

Les genouillères de protection semblent pallier aux insuffisances du LCA chez les skieurs alpins. Kocher a effectivement étudié des skieurs professionnels ayant une fragilité du LCA. Il a trouvé un plus grand risque de blessure au genou chez ceux qui ne portaient pas d’attelle fonctionnelle par rapport aux autres. (Risque relatif 6,4) (58). En revanche, McDevitt n’a trouvé aucune différence chez des jeunes militaires opérés d’une ligamentoplastie du genou, le nombre de re-rupture était identique avec ou sans genouillère (21).

4.    La météorologie

Pour les sports sur gazon naturel ou artificiel, l’interface mécanique entre le pied et la surface de jeu est fortement dépendante des conditions météorologiques. Cependant, on sait très peu de choses sur l’effet de cette variable dans les lésions du LCA. Orchard a signalé que les ruptures du LCA (pivot sans contact) des équipes de football Australiennes sont plus fréquentes pendant les périodes de faible pluviométrie et de forte évaporation. Ce travail émet l’hypothèse selon laquelle les conditions météorologiques ont un effet sur le mécanisme d’adhérence entre la chaussure et surface de jeu, et donc sur le risque de rupture du LCA (22).

5.    Antécédent de d’entorse du genou

Myer dans son étude montre que les athlètes féminines opérées d’une rupture du ligament croisé antérieur avaient un antécédent d’entorse du genou (sans lésion du LCA) dans 37% des cas versus 29% dans un groupe contrôle de sportives sans antécédent et du même niveau (23).

6.    Autres

Les facteurs spécifiques au sport comme par exemple, les règles de jeu, les arbitres, ou les entraîneurs n’ont pas été étudiés. D’autres facteurs pourraient également intervenir, comme l’âge, les compétences sportives, le profil psychologique de l’athlète.

Facteur intrinsèques :

1.    Facteurs anatomiques

a.    Hyperlaxité

De nombreuses études indiquent que l’hyperlaxité est plus répandue chez les adolescentes que chez leurs homologues masculins (24,25,26). Ramesh a constaté que les lésions du LCA sont plus fréquentes chez les patients ayant une hyperlaxité globale des articulations et en particulier des genoux (27). Myer a étudié de manière prospective la laxité de jeunes filles afin d’évaluer le risque de lésions du LCA chez les athlètes féminines. Son but était de déterminer si les athlètes féminines avec une plus grande laxité des articulations et surtout des genoux seraient plus exposées aux lésions du LCA. Cette étude prospective biomécanique et épidémiologique lui a permis de vérifier cette hypothèse (23). Huston a signalé une plus grande laxité du genou chez les femmes sportives d’âge adulte par rapport aux hommes (24), tandis que Cheng n’a montré aucune différence chez les enfants pré pubères(28).

b.    Anatomie de l’échancrure

L’anatomie de l’échancrure inter condylienne est différente chez la femme et chez l’homme. En effet, Griffin a montré que l’échancrure est plus étroite et le LCA est plus petit chez la femme (29).

c.    Pente tibiale postérieure

Une corrélation hautement significative a été démontrée entre la pente tibiale postérieure inférieure et la translation tibiale antérieure (29). Mais la relation de causalité entre la pente postérieure du plateau tibial et le risque de rupture du LCA reste à démontrer.

2.    Facteur biomécaniques : cinématique et cinétique

On sait que près de 70 à 80% des mécanismes de rupture du LCA sont des activités de pivot non-contact. Ces blessures se produisent souvent lors d’une réception après un saut, d’un changement de direction ou d’une décélération.

Olsen pense qu’un valgus de l’axe jambier associé à une rotation externe ou interne du genou est la cause des entorses du LCA (30). Boden d’autre part, a émis l’hypothèse qu’une vigoureuse contraction excentrique du quadriceps en est la cause principale (31). Des études récentes ont montré, de façon constante, que les forces prédominantes qui influent sur la tension du LCA sont les forces antérieures appliquées sur le tibia, soit par des mécanismes externes telles une chute ou une réception sur le membre inférieur, soit par des mécanismes internes tels que la contraction dominante du quadriceps avec le genou proche de l’extension. La combinaison d’une translation tibiale antérieure et d’un valgus sont probablement la cause la plus importante du mécanisme de blessure chez ces athlètes. Des études sur cadavre ont montré que c’est la force de tiroir antérieur qui crée le plus de tension sur le LCA avec un effet augmenté par le varus, le valgus ou la rotation interne et externe (32). En revanche, une rotation externe isolée appliquée sur le genou augmente relativement peu la tension du LCA. Le valgus forcé isolé entraîne une tension sur le LCA seulement après une blessure importante du ligament collatéral médial. Ces études cadavériques permettent de souligner l’importance des forces de cisaillement antérieure dans la lésion du LCA. Le genou proche de l’extension complète, la contraction du quadriceps et la force résultante développée dans le tendon rotulien entraîne un tiroir antérieur sur la partie proximale du tibia avec mise en tension du LCA. Hewett a étudié le risque de valgus en réception de saut chez des athlètes féminins. Le système comprenait l’analyse du mouvement en réception de saut à l’aide de 8 caméras numériques, d’un ordinateur de collecte de données ainsi que des marqueurs placés sur le sujet. L’analyse des angles du genou en flexion-extension avec le valgus –varus a été quantifiée pour chaque sujet au cours d’une série de sauts à la verticale au départ d’un socle haut de 31 cm avec les pieds positionnés à 35 cm de distance. Les sujets avaient pour consigne de sauter directement sur le sol en faisant un saut vertical et en levant les deux bras comme s’ils sautaient pour lancer un ballon de basket. Cette étude a montré que les sujets à risque avaient une augmentation significative du valgus en réception de saut par rapport au groupe contrôle. Ces résultats indiquent que les athlètes devraient être encouragés à modifier leur technique de réception de saut (sans valgus) pour réduire le risque de blessure au genou (33).

3.    Facteurs neuromusculaires : force musculaire et activation muscle

Un déséquilibre neuromusculaire pourrait expliquer en partie le mécanisme de blessure: les femmes sont plus  »quadriceps dominant » dans leur schéma corporel que les hommes. Le recrutement des ischiojambiers est significativement plus élevé chez l’homme que chez la femme. Le rapport ischiojambiers/quadriceps maximal tend à être supérieur chez les hommes que chez les femmes. Or on a vu qu’une vigoureuse contraction excentrique du quadriceps est une des causes principales de rupture du LCA.

4.    Facteurs hormonaux

Nous savons qu’il existe des hormonorecepteurs sur le LCA, récepteurs aux œstrogènes, à la progestérone, à la testostérone et à la relaxine. Ces récepteurs ont certainement un effet sur le métabolisme et les propriétés mécaniques du LCA mais nous ne savons pas encore aujourd’hui quelles en sont véritablement les effets (34,35,36,37). Une revue de la littérature montre que les lésions du LCA ne sont pas constantes durant le cycle menstruel. Il existe de manière significative, une plus grande fréquence de ruptures pendant la phase pré-ovulatoire que lors de la phase post-ovulatoire. Le travail de Wojtys est l’un des premiers publiés sur ce sujet. Il a utilisé les données concernant l’état menstruel des femmes au moment de la blessure par l’interrogatoire de la patiente. Il a montré de manière significative une plus grande prévalence de ruptures du LCA (pivot sans contact) chez les athlètes femmes durant la phase pré-ovulatoire du cycle menstruel (38). Dans une étude ultérieure, il a étudié les concentrations d’estrogènes, de progestérone et d’hormone lutéinisante dans les urines afin de caractériser l’état menstruel des femmes au moment de l’accident. Cela a confirmé une plus grande fréquence de ruptures du LCA entre  le 9 ème et 14 ème jour du cycle de 28 jours. Il avait moins de blessures au cours de la phase post-ovulatoire (définie comme étant du 15ème jour à la fin du cycle) (39)

Arendt a constaté également que les athlètes féminines étaient plus à risque d’avoir une rupture du LCA au cours de la phase pré-ovulatoire de leur cycle menstruel qu’au cours de la phase post-ovulatoire(40). Slauterbeck fait état d’un nombre anormalement plus élevé de blessures du LCA au cours de la phase pré-ovulatoire du cycle menstruel, avec moins de blessures survenant à la fin du cycle (41). Plus récemment, Beynnon a dosé la concentration sérique de la progestérone et l’œstradiol pour dater la période du cycle menstruel au moment de l’entorse. Il a étudié des skieuses de loisir. Les entorses graves à la phase pré-ovulatoire ont été significativement plus importantes que celles durant la phase post-ovulatoire (risque relatif : 3.22). Au cours de la phase pré-ovulatoire du cycle menstruel, il y a une concentration accrue d’œstradiol et une concentration moindre de progestérone.

L’analyse des concentrations sanguines hormonales a trouvé un taux sérique d’œstradiol similaire entre les patientes avec rupture du LCA et le groupe contrôle En moyenne, les concentrations d’œstradiol ont été de 112,4 pg/ml versus 109,6 pg/ml de sérum. En revanche, les concentrations sériques de progestérone sont plus élevées chez les sujets indemnes du groupe contrôle par rapport aux groupes rupture du LCA. Les concentrations moyennes de progestérone ont été 5,31 ng/ml de sérum (0.1-26.2 ng/ml) versus 3,15 ng/ml (0.3-17.5 ng/ml). Il est important de souligner qu’il demeure difficile de savoir si l’œstradiol et la progestérone agissent directement sur le LCA  et si cela augmente le risque de lésion du LCA. Il est possible que ces hormones agissent sur les structures autres que le LCA.

Par exemple, elles pourraient avoir un effet sur la contraction musculaire et sur le contrôle neuromusculaire (42). Dans cette étude comme dans celle de Wojtys, environ 74 % des femmes ont eu une lésion du LCA pendant la phase pré-ovulatoire de leur cycle menstruel et 26% étaient dans la phase post-ovulatoire. Par ailleurs 72.5% des femmes ne prenaient pas de contraception orale. Néanmoins, l’effet stabilisateur des contraceptifs oraux chez la femme est encore à définir. Il est important de distinguer les différents contraceptifs oraux (progestérone seule ou combinée estrogène progestérone) ainsi que les variations de dosage. Il n’existe aucune preuve concluante sur l’effet protecteur des contraceptifs oraux dans la rupture du LCA.

Prévention

Face à l’ensemble de ses facteurs de risque de rupture du LCA chez la femme, un certain nombre de programmes de prévention et d’éducation ont été proposés.

a.    Education

Ettlinger a utilisé une approche relativement simple de la prévention des blessures du LCA chez les skieurs et a tenté de modifier les comportements à haut risque par une éducation et une sensibilisation accrues. Dans cette étude prospective non randomisée, 4000 skieurs professionnels de ski alpin (instructeurs et les patrouilleurs dans 20 régions de ski) ont fait leur formation au cours de la saison de ski 1993 1994. Dans leur formation, ils ont visionné 19 min de vidéo montrant 10 accidents avec rupture du LCA chez des skieurs de différents niveaux. La vidéo utilisée permettait aux skieurs de visualiser les comportements à haut risque et d’étudier ces situations afin de réduire pour eux-mêmes le  risque de lésion du LCA. Au cours de la saison, suivant la formation, une réduction de 62% de lésions du LCA a été constatée (43).

b.    Prévention

Bien qu’un certain nombre de facteurs de risque de lésion du LCA ait été énoncé, seuls les facteurs de risque biomécaniques ont été suffisamment analysés pour proposer un programme de prévention des ruptures du LCA. La plupart des programmes de prévention vont tenter de modifier la dynamique de mise en charge de l’articulation fémoro-tibiale par un contrôle neuromusculaire et un travail proprioceptif. Les études à ce jour, se basant sur les modifications biomécaniques, ont abouti à la réduction des lésions du genou chez les athlètes et notamment chez les femmes (44). Les préparations technique et neuromusculaire de réception de saut à l’entraînement et notamment les corrections des forces en valgus du genou à la réception de saut diminuent considérablement le taux de lésions du LCA chez les athlètes féminines (45).L’efficacité des programmes de prévention repose sur un certain nombre d’éléments communs. La plupart comprennent un ou plusieurs des éléments suivants :

  • Simple étirement
  • Renforcement musculaire
  • Sensibilisation des positions à risque
  • Modification technique
  • Aérobic
  • Plyométrie
  • Proprioceptivité
  • Entrainement à l’équilibre

Les données actuelles montrent qu’un travail d’amplitude articulaire active et/ou passive est contre-indiqué dans un programme de prévention des ruptures du LCA. Une méta-analyse récente et une revue de la littérature indiquent qu’un travail d’assouplissement des articulations ne fournit pas d’effets protecteurs contre les blessures, comme cela a été précédemment allégué dans la littérature. De plus d’autres études montrent que les étirements juste avant une activité sportive peuvent diminuer les performances et ne réduisent pas les risques de blessures. (46-52)Les athlètes féminines doivent particulièrement bénéficier d’une préparation neuromusculaire, car elles ont une diminution de la force et de la puissance par rapport à leurs homologues masculins. Cette préparation conçue pour les jeunes femmes augmente leur puissance, leur force et leur contrôle neuromusculaire. L’entraînement dynamique et neuromusculaire peut réduire les différences liées au sexe concernant  l’absorption de la force, la stabilisation active du genou, les déséquilibres musculaires et biomécaniques, tout en augmentant la résistance des os, des ligaments et des tendons.

c.    Renforcement et conditionnement

Cahill a montré l’efficacité d’une préparation et d’un conditionnement physique avant la saison sportive, pour les équipes lycéennes de football américain durant 4 années, il a noté une réduction des blessures du genou et des blessures nécessitant une intervention chirurgicale (53). Caraffa a mené une étude sur 600 semi-professionnels de football. La moitié a eu une préparation proprioceptive spécifique en plus de leur formation régulière. Sur 3 saisons il y a eu dans le groupe préparé 0,15 blessures du LCA / équipe / saison versus 1,15 blessures du LCA / équipe / saison dans le groupe avec préparation classique (54). Plusieurs équipes ont proposé un programme de formation neuromusculaire pour prévenir les ruptures du LCA. Henning a mis en œuvre un programme de prévention dans la Division I de la NCAA de basket-ball féminin au cours des 8 dernières années aux USA. Il a proposé de modifier la trajectoire des changements de direction en préférant les trajectoires plus arrondies aux trajectoires à angle aigu. Il a également conseillé d’éviter les arrêts brutaux sans étape de décélération préférant 3 pas rapides d’arrêt. Ce programme a permis une baisse de 89% de blessures du genou (55). Hewett a étudié l’effet de ce programme sur l’incidence de la blessure du genou lors du football, du volley-ball et du basket-ball. Ont été comparés 43 équipes (N = 1263 athlètes), dont 15 équipes féminines (N = 366) ayant suivi le programme; 15 autres (N = 463) n’ayant pas suivi le programme et 13 équipes masculines (N = 434) n’ayant pas suivi le programme. Le programme a été réalisé à partir de vidéo et d’un manuel. Le programme s’est déroulé 3 jours par semaine. Soixante-dix pour cent (70%) des athlètes (248/366) ont terminé leur formation de 6 semaines et les autres ont fait au moins 4 semaines de formation. L’incidence des blessures graves du genou (N = 14) dans le groupe féminin non préparé était de 0.43/1000 expositions versus 0,12/1000 expositions dans le groupe préparé et 0,09/1000 expositions dans le groupe masculin non préparé (56).Myklebust a mené une étude non-randomisée prospective, auprès de 900 joueurs de handball féminin au cours d’une période de 3 ans en Norvège. Le groupe de contrôle composé de 60 équipes (N = 942 joueurs en 1998-1998) comparé à 58 équipes formées (N = 855 en 1999-2000) et 52 équipes formées (N = 850 dans la saison 2000-2001). Il y a eu 29 ruptures du LCA au cours de la saison de contrôle, 23 blessures au cours de la première saison et 17 blessures pendant la deuxième saison (57).

La prévention de ces blessures permettrait à des dizaines de milliers de jeunes athlètes féminines de poursuivre leurs activités sportives à l’âge adulte et d’éviter l’invalidité à long terme et l’arthrose qui se produisent avec une estimation  10 fois supérieures après une rupture des ligaments du genou.

Conclusion :

Il est maintenant bien connu que le risque de blessures du LCA dans la population sportive est plus grand chez les athlètes féminines par rapport aux athlètes masculins. Des facteurs extrinsèques et intrinsèques interviennent dans cette différence.

Les femmes ont un LCA plus petit, moins rigide, et moins résistant à la rupture. Les femmes ont également une plus grande laxité des articulations et une diminution de raideur musculaire.Les facteurs hormonaux participent à cette différence. (œstrogène, relaxine, progestérone, testostérone).

Les femmes sont significativement plus à risque de lésion du LCA au cours de la période  pré-ovulatoire du cycle menstruel que pendant période  la post-ovulatoire mais peu d’articles se sont intéressés aux effets hormonaux direct sur le LCA.

Le risque de rupture du pivot central semble bien augmenté dans la première phase du cycle. Les contraceptifs oraux pourraient avoir un effet protecteur sans que l’effet soit bien connu. La collaboration des deux spécialités (orthopédiste médecin du sport – gynécologue) est sûrement souhaitable dans l’avenir pour mieux comprendre ses facteurs. L’enjeu n’est pas négligeable en termes de prévention et de santé publique.

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Docteur Nicolas LEFEVRE, Docteur Serge HERMAN, Docteur Yoann BOHU. – 24 décembre 2013.